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RENASEC

Nom du projet : 
Etude des caractéristiques et de la fréquence des événements extrêmes en France depuis 1500
Période : 
novembre 2008 - janvier 2012
Nom du coordinateur : 
Emmanuel GARNIER

Objectifs
Des historiens, climatologues et économistes se proposaient : i)  de recenser et de caractériser l'ensemble des événements météorologiques extrêmes ayant touché la France depuis 1500, et plus particulièrement dans cinq régions représentatives des grands types d'extrêmes climatiques : Grand Ouest, Est, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon, Île-de-France dans le but de déterminer si les phénomènes extrêmes ont évolué en amplitude et en fréquence avec le changement climatique actuel ;
ii)   de modéliser l'impact de ces événements extrêmes sur les économies et les sociétés contemporaines.

Résultats majeurs
Les cinq cents ans étudiés révèlent une chronologie faite de mouvements contradictoires marqués successivement par des offensives et des rémissions. Des reconstructions ont été effectuées en termes de fréquence et de sévérité dans le cas des tempêtes continentales, des submersions, des inondations ou encore de sécheresses.
Les nombreuses informations recueillies durant trois ans dans les fonds d'archives ont été regroupées dans la base de données HISTCLIM. (http://www.unicaen.fr/histclime/recherche.php). Référencée par l'ONERC, elle permet d'analyser en détail les événements climatiques extrêmes.
Voir le diaporama sonorisé du projet.

Thèse
Le temps des saisons - Climat, événements extrêmes et sociétés dans l'ouest de la France (XVIème-XIXème siècles).
Thèse soutenue par Jérémy Desarthe le 3 décembre 2011 et editée aux Editions Hermann.

Dimension interdisciplinaire
RENASEC a permis de mettre en place un dialogue entre l'histoire, l'économie et la climatologie. En effet, il s'agissait d'exploiter des données majoritairement textuelles (donc qualitatives) pour les convertir en données quantitatives susceptibles d'être comparées à des données climatiques actuelles ou bien homogénéisées dans des séries récentes.

Figure clé






Tempêtes de submersion sur les littoraux de l'Atlantique.
Source : projet RENASEC.












Projets induits / implications
Projet financé par le Ministère de l'Écologie et le CNRS CLIMURBS (Climat et espaces urbains XVIème - début XXème siècle. Étude des impacts climatiques et des formes de résilience en milieux urbains dans l'histoire).
2008-2012 - Coordinateur : E. Garnier.

Projet ANR CHEDAR (Climate Health and Environment, data rescue and modelling).
2010-2014 - Coordinateur : P. Yiou, LSCE.

Projet financé par la Fondation de France VULNERARE (Trajectoires de vulnérabilité des littoraux de la Réunion aux risques naturels : renseigner le passé pour informer le futur).
2012-2014 - Coordinateur : A. Magnan, IDDRI.

Projet européen FP7 DROUGHT (Vulnerability and increased drought risk in Europe).
2011-2014 - Coordinateur : E. Garnier.

Projet HEALTH (Historic extremes and health).
2012-2014 - Coordinateur : E. Garnier.

Projet européen FP7 RISC-KIT (Resilience - increasing strategies for coasts - toolKIT).
2013-2016 - Coordinateur : A. van Dongeren, Stichting Deltares.

Projet de l'Université de Genève avec le soutien financier du Fonds national suisse de la recherche Pump priming a historical database of extreme natural events in Lake Geneva region.
2014-2015 - Co-coordinateur : E. Garnier, LIENSs.

Projet financé par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire Extrêmes historiques et risque nucléaire contemporain.
2015-2018 - Coordinateur : E. Garnier, LIENSs.

Base de données HISTCLIME (Histoire des sociétés et des territoires face au climat et aux événements extrêmes) mise en ligne en octobre 2012 par le Centre de recherche d'histoire quantitative et composée de plus de 10 000 données textuelles et instrumentales françaises. HISTCLIME est le résultat de près de dix années de recherches en histoire climatique financées par les projets transdisciplinaires européens, nationaux et du GIS Climat Environnement Société.

Laboratoires impliqués
Extérieurs au GIS : 

CERES-ERTI : Centre d'Enseignement et de Recherche sur l'Environnement et la Societé
Collège de France
CRHQ : Centre de Recherche d’Histoire Quantitative

 


Description du projet


Objectifs

Depuis toujours, les extrêmes climatiques ont eu des impacts politiques, économiques et sociaux, variables selon les époques, les régions et les sociétés. Dans un contexte de changement climatique, où une augmentation de la fréquence et de l’amplitude de ces phénomènes est attendue, la connaissance de l’évolution et des impacts matériels, économiques et sociaux des extrêmes climatiques dans le passé présente un intérêt potentiel pour les choix futurs en matière d’adaptation. Le projet RENASEC a été réfléchi dans cet objectif : l’inventaire et la caractérisation des événements extrêmes ayant eu lieu dans plusieurs régions vulnérables françaises depuis 1500, seront exploités pour :

  • déterminer si les phénomènes extrêmes ont évolué en amplitude et en fréquence avec le changement climatique actuel, comme le prévoient les modèles ;
  • évaluer les impacts écologiques, matériels, économiques et sociaux de ces extrêmes climatiques, et analyser comment ils ont motivé l’adoption de politiques de prévention et d’assistance à posteriori ;
  • créer un modèle du coût des grands événements extrêmes, dont l’utilisation pourrait permettre d’améliorer l’évaluation des dommages futurs, dans l’hypothèse d’un renforcement de leur fréquence et de leur amplitude.

Méthodologie

Cadre géographique

Le cadre géographique de travail a été choisi pour être représentatif des grandes aires climatiques de la France et des principaux phénomènes extrêmes, ainsi que des caractéristiques environnementales et des situations socio-économiques. Il concernera :

  • une zone Grand Ouest incluant les anciennes provinces de Bretagne et de Normandie, pour les inondations et les tempêtes maritimes ;
  • une zone Est couvrant l’Alsace, la Lorraine et la Franche-Comté, région très boisée offrant un observatoire privilégié pour les tempêtes et l’enneigement ;
  • la région Rhône-Alpes connue pour ses inondations, ses embâcles et son enneigement ;
  • la région Languedoc-Roussillon régulièrement touchée par des inondations et des sécheresses ;
  • la région Ile-de-France fréquemment touchée par des phénomènes extrêmes : inondations et débâcles de la Seine, sécheresses en Beauce, tempêtes…
Déroulement chronologique

Volet 1 : Recueil et dépouillement des informations relatives aux cinq sites géographiques choisis, au sein d’un ensemble de documents d’archives

Les livres de raison, dans lesquels les bourgeois et les nobles consignaient les événements quotidiens, contiennent de multiples allusions aux aléas climatiques.

Les documents religieux (registres paroissiaux, description des processions contre les météores) évoquent ponctuellement des épisodes climatiques. Les archives produites par les diverses administrations royale et républicaine sont des sources riches en informations :

  • les juridictions forestières ou maritimes, par exemple, demeurent incontournables pour étudier les tempêtes et les submersions côtières ;
  • les papiers des intendances (circonscriptions provinciales) contiennent de nombreuses données en matière d’histoire des risques naturels sous l’Ancien Régime tels que les résultats d’enquêtes menées dans les communautés victimes d’avalanches ou d’inondations, ou les dossiers de demande de dégrèvements fiscaux faisant suite à des tempêtes de grêle, des inondations, des incendies de forêts, des gelées.

Les sources cartographiques, en particulier les cartes militaires apparues à la fin du XVIIème siècle.

Volet 2 : Constitution d'une base de données climatiques

Le contenu de ce corpus documentaire autorise une prise en compte fiable, autant dans la durée que dans la description, de quatre types d’extrêmes climatiques : inondations, sécheresses, embâcles/débâcles, tempêtes. En effet, à partir de 1500, les archives fournissent les dates, la durée et la localisation précises de ces phénomènes. Les dépouillements opérés à partir de ces documents viendront alimenter une base de données climatiques comportant le type d’événement, sa date, sa source et sa localisation, et une description in extenso tirée des archives.

Exemple des données qui seront recueillies et rassemblées sous forme de base

Evénement
Source
Site d'Observation
Année
Date
Inondation Délibérations du Bureau de Paris, p98. Paris
1531
10-jan
Commentaire:

Procession générale à ND et Ste Geneviève qui se fait pour l'indisposition du temps et grans inundations d'eaux.

Pluie Délibérations du Bureau de Paris, T2, p207.
Journal d'un bourgeois de Paris, p458.
Paris et Ile-de-France
1535
Printemps
Commentaire:

Procession Ste Geneviève pour nous donner du beau temps, parce que, depuis deux mois, il a quasi et tousjours continuellement pleu. Le livre du Bourgeois de Paris précise qu'il a plu depuis Pâques jusqu'au 13 juillet.

Froid Délibérations du Bureau de Paris, T4, p138. Paris et Ile-de-France
1553
Hiver
Commentaire:

En ce moy de mars, l'iver de ceste presente année commença et a duré quasi jusques à la my May, de sorte que le Karesme a esté fort à passer aux pouvres gens, à cause qu'il n'estoit gueres d'herbages, et si le poisson estoit bien cher.

Volet 3 : Estimation relative de la sévérité des 4 types d'extrêmes

La constitution de la base de données sera suivie d’une approche plus quantitative, mais intégrée à un contexte climatique plus large, visant à évaluer la sévérité d’événements extrêmes observés (et non mesurés). En effet, les extrêmes ne peuvent être confrontés à des données instrumentales fiables (relevés thermométriques ou barométriques) avant les années 1750. Une méthode de quantification relative est donc à mettre au point.

Pour le cas particulier des tempêtes et des ouragans, l’utilisation de l’échelle de Beaufort pour les événements antérieurs au XIXème siècle est envisagée. Créé en 1805, cet outil permet d’estimer la vitesse du vent sur une échelle comprise entre 0 et 12, à partir de ses effets sur terre et en mer. Les descriptions forestières disponibles pour les périodes de 1500 à 1800 contiennent des informations suffisamment détaillées (nature et étendue des surfaces dévastées suite à des événements extrêmes) pour permettre une interprétation basée sur l’échelle des vents de Beaufort.

Volet 4 : mise au point d'un modèle du coût des grands événements extrêmes

Les catastrophes naturelles majeures dramatiques pour les populations ont été productrices de nombreuses archives depuis les années 1500. Avec la construction de l’Etat moderne et ses prétentions à se substituer aux autres pouvoirs locaux (clergé, noblesse) lors des situations de crise, se sont mis en place des corps spécialisés (Eaux et Forêts, Ponts et Chaussées, Amirautés, intendances puis préfectures) dont l’une des missions était la prise en charge du risque naturel. Pour mettre au point un modèle du coût des grands événements extrêmes, les historiens pourront donc s’appuyer sur des rapports d’expertise des dégâts, des enquêtes et contre-enquêtes ayant donné lieu à des aides directes, à la mobilisation de moyens humains (armée, ingénieurs) ou à des aides indirectes (dégrèvements fiscaux). Cette riche documentation permettra d’obtenir une « pesée globale » du coût de ces catastrophes exprimée, au choix, en journée de travail, en pourcentage du budget royal ou, à compter du XIXe siècle, en franc germinal (convertible en euros). Ce travail sera mené en collaboration avec les économistes du Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement (CIRED).
Le modèle de coût ainsi développé pourrait permettre d’estimer l’impact économique des dommages futurs, dans l’hypothèse d’un renforcement en nombre et en amplitude des extrêmes climatiques. Le résultat obtenu pourrait servir de base à la mise en place de mesures d’adaptation et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Documents complémentaires et liens : 


- Réponse d'Emmanuel Garnier à la question "Comment l'historien peut-il contribuer à reconstituer les climats du passé ?"

- Ouvrage d'Emmanuel Garnier : "Les dérangements du temps : 500 ans de chaud et froid en Europe" (Editions Plon, 2010)
Résumé : Une première partie nous explique les enjeux de l'histoire du climat : prendre de la distance par rapport aux enjeux d'actualité fortement politisés, retrouver les racines de cette histoire et les outils (journaux intimes, archives administratives, archives de la Marine) qui permettent à l'historien de réouvrir des chantiers. Une deuxième partie expose les grandes stances du climat européen. La troisième partie expose les évènements climatiques extrêmes. Une quatrième partie montre les sociétés européennes à l'épreuve du climat et l'évolution des perceptions du temps. Une cinquième partie expose les séismes climatiques en Europe du "Grand Hiver" de 1709 aux inondations de 1784. Puis une sixième partie nous fait entrevoir le climat comme le plus grand tueur en série. 

- Ouvrage d'Emmanuel Le Roy Ladurie "Histoire humaine et comparée du climat, tome 3 : le réchauffement de 1860 à nos jours" (Editions Fayard, 2009)
Résumé : Le climat de l'Europe a connu dans le passé de longs épisodes de tiédeur, puis a régné, de 1300 à 1860, le petit âge glaciaire, un peu plus frais que le climat de nos jours. Depuis lors, un nouvel épisode tiède s'est imposé progressivement, qu'a enregistré le recul séculaire des glaciers alpins, et qui prend nettement, depuis 1911, le caractère d'un réchauffement. Emmanuel Le Roy Ladurie, dans ce dernier volume de l'Histoire humaine et comparée du climat, étudie cette phase de réchauffement, dont l'actualité médiatique s'est emparée sans toujours la situer suffisamment dans son contexte de longue durée. Il utilise, à des fins descriptives, les observations thermométriques et pluviométriques, mais aussi toutes les informations relatives aux moissons et aux vendanges, à l'élevage et au tourisme, qui donnent la mesure et le rythme du changement climatique en cours. Au terme de cette big history multicontinentale, les perspectives ne sont pas rassurantes : le très vif réchauffement constaté depuis 1980 pourrait bientôt poser des problèmes extrêmement difficiles à l'humanité... Mais ceci est une autre histoire.

- Le projet RENASEC prend la suite du projet Ophélie (Observations PHEnologiques pour reconstruire le cLImat de l’Europe) dont l'objectif était d’effectuer des reconstructions climatiques en Europe à partir d’observations phénologiques faites au cours de l’histoire. Ces observations comprenaient les dates de vendanges, dates de floraison d’arbres fruitiers et dates de moissons.

- Millennium European Climate : projet européen dont l’objectif est d’évaluer si la magnitude du changement climatique actuel dépasse la variabilité naturelle du climat européen au cours du dernier millénaire.

- E2C2 : Extremes events, causes and consequences
Ce projet, financé par la Commission Européenne dans le cadre du 6ème programme cadre, a développé toute une gamme d’outils et de concepts pour évaluer les impacts des extrêmes climatiques sur l’économie et la société contemporaines.

- Article publié dans le Figaro du 7 novembre 2007 : L’histoire du climat de la France sort de l’oubli, à propos des travaux de recherche d'Emmanuel Garnier.

Glossaire : 


Embâcle
: c'est l'obstruction d'un cours d'eau par la constitution d'une digue naturelle entraînant une retenue d'eau importante. La digue peut être constituée soit par des éléments solides arrachés à l'amont et charriés par le cours d'eau, soit par l'obstruction du cours d'eau provoquée par un glissement de terrain.

Débâcle : elle caractérise la fonte des glaces d'un fleuve ou de la mer.

Contact projet : 
Histoire du Climat Emmanuel GARNIER
Membre Senior de l'Institut Universitaire de France
Maître de conférences habilité en histoire moderne
Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (UMR CEA-CNRS-IPSL-UVSQ)
Centre de Recherches en Histoire Quantitative (UMR CNRS-Université de Caen)
egarnier.cea-cnrs @ orange.fr