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HaSaRDS

Nom du projet : 
Statistiques & Risques Déterministes dans la Société
Nom du coordinateur : 
Pascal YIOU

Le projet HaSaRDS vise à organiser une réflexion commune entre les communautés scientifiques "mathématiques" et "sciences de l’environnement/santé" autour de plusieurs questions : changement climatique, extrêmes, santé. La réflexion sera engagée via l’organisation, tous les deux mois, de séminaires dans lesquels des orateurs des deux communautés interviendront. Outre une fonction évidente d'échanges scientifiques entre chercheurs, cette initiative permettra d'évaluer les modes de communication de chaque communauté et de définir des stratégies pour optimiser des formes d'interdisciplinarité.

Laboratoires impliqués
Extérieurs au GIS : 

CERES - Centre d'Enseignement et de Recherche sur l'Environnement et la Société (ENS - Paris)


Description du projet


Objectifs

Les sciences physiques et de l'environnement emploient souvent des concepts et modèles mécanistes, axés sur des représentations déterministes des variables en jeu. D'un point de vue fondamental, l'émergence de notions comme les systèmes complexes, au comportement chaotique, pour décrire les systèmes physiques a nécessité progressivement l'utilisation du langage et des outils des probabilités et des statistiques. Les domaines comme la finance ont intégré depuis longtemps cette dualité entre le déterminisme et l'aléatoire, mais c'est loin d'être le cas dans les sciences de l'environnement (pour ne citer que cet exemple).

D'un point de vue plus pratique, on peut relever que les conclusions du dernier rapport scientifique du GIEC [Solomon et al., 2007] et en particulier le « summary for policymakers » sont ancrées dans une sphère sémantique probabiliste (termes liés au risque et à la vraisemblance). Les pratiques du GIEC pour la gestion de l'incertitude, même si elles servent parfois de référence pour d'autres groupes d'experts comme ceux chargés de l'étude de la biodiversité ou de la désertification, sont en fait l'objet de remises en question permanente [Swart et al., 2008]. Pour que ce type de rapports garde sa force, il est en effet d'une grande importance que les développements récents des mathématiciens et statisticiens dans la connaissance du risque soient pris en compte [Patt and Schrag, 2003]. Sans efforts particuliers dans ce sens, les groupes d'experts (comme le GIEC ou d'autre) risquent de fonctionner sur le plus petit dénominateur commun, c'est à dire ce qu'on apprenait il y a 20 à 40 ans.

En ce qui concerne les sciences de la santé, une approche raisonnée du risque est critique à cause de la hauteur des enjeux et le besoin de régulation à court terme. Or dans certains domaines on peut craindre une rigidification des choix de méthodes d'analyse et de test acceptables. L'approche bayésienne, par exemple, connaît encore des problèmes de perception non négligeables, de même que les approches imprécises ou floues [Ha-Duong et al., 2004]. Or le coût d'acquisition des données fait qu'on utilise souvent de petits échantillons (cas des tests cliniques), ou alors des variables mal définies ou incomplètement observées (épidémiologie), pour lesquelles en réalité aucune méthode actuellement connue n'est vraiment satisfaisante. Il semble donc critique de s'ouvrir à l'actualisation des pratiques scientifiques par rapport aux progrès en statistiques et en mathématiques.

Sans porter de jugement sur la validité des résultats obtenus, on peut donc constater que les échanges entre les communautés scientifiques et mathématiques devraient être intensifiés à la hauteur des enjeux des problèmes scientifiques. Se priver de tels échanges peut prêter le flanc à une critique irraisonnée sur le fonds scientifique, mais avec un écho puissant parmi les décideurs et éventuellement d'autres scientifiques.

Pour schématiser, les principales difficultés à ces échanges incluent (i) l'hermétisme du langage et des concepts des mathématiques qui rendent leur utilisation souvent superficielle et (ii) le faible intérêt des problèmes environnementaux pour les statisticiens et probabilistes. Le premier point peut être surmonté par un effort pédagogique. Le second peut l'être par l'effort de définitions suffisamment génériques des problèmes posés en sciences de l'environnement ou humaines et sociales.

L'objectif de ce projet d'animation scientifique est de fournir une plateforme d'échanges entre les communautés, en décortiquant les aspects mathématiques des problèmes dits physiques. Cette plateforme, outre une fonction évidente d'échanges scientifiques entre chercheurs, permettra d'évaluer les modes de communication de chaque communauté et de définir des stratégies pour optimiser des formes d'interdisciplinarité.

Méthodologie

Concrètement, il est prévu que soient organisés quatre séminaires par an (sur deux ans), au cours desquels un orateur du « monde des mathématiques » et un orateur du « monde des sciences de l’environnement/santé » seront invités conjointement pour discuter de la manière dont un même problème (changement climatique, extrêmes, santé…) est décliné dans chaque communautés. Il est envisagé que les séminaires abordent, entre autres, les thématiques suivantes :

La causalité
Toute une littérature en géosciences a fleuri autour des notions de détection et d'attribution (du changement climatique). Ces articles utilisent des méthodes statistiques généralement rudimentaires (le sujet du séminaire n'est pas la pertinence de cette utilisation !). Le séminaire rapprochera les progrès récents en statistiques et réseaux bayésiens avec les méthodes utilisées pour l'attribution du changement climatique. L'objectif sera d'avoir une réflexion sur la notion de causalité dans les systèmes physiques. D'un point de vue mathématique, il est intéressant de rechercher d'autres façons de penser la causalité et de sortir des schémas déterministes. Les géosciences peuvent en particulier permettre de dégager des paradigmes communicationnels autour de certaines notions probabilistes en les ancrant dans un vécu physique.

L'ambiguïté
Certaines variables environnementales (ou de santé) sont entachées de données manquantes, peu nombreuses ou censurées. Cette propriété affecte l'incertitude sur les données observées de manière difficile à contrôler. On peut parler d'incertitude non probabilisable. Cette ambiguïté est rarement traitée par les physiciens, mais les statisticiens peuvent apporter un éclairage sur des problèmes bien spécifiés (santé, évolution du climat). Une autre forme d'ambiguïté réside dans l'utilisation d'un terme ayant des sens différents en statistiques et en physique. Les termes « modèles » et « simulation » en sont des exemples emblématiques. Il est intéressant de constater que même si le sens est différent, une transgression des outils liés à la définition statistique s'est opérée en climatologie, alors que la simulation d'un modèle physique de climat n'a pas grand chose à voir avec celle d'un modèle statistique.

La perception
Ce thème est lié aux sciences humaines et sociales. On va s'intéresser à la manière dont un document (par exemple l'AR4 du GIEC) ou un concept est perçu par diverses communautés (en incluant les acteurs socio-économiques et le public), et comment il peut générer des débats et des actions dans la société. Cette discussion peut être mise en regard de modèles issus de la théorie des jeux ou des systèmes complexes. Une facette est d'appréhender l'incommunication entre diverses communauté et de trouver des moyens pour en tenir compte dans les transferts d'information. Cette question rejoint celle de la recherche de paradigmes communicationnels évoquée plus haut.

Ces trois thèmes peuvent être conjugués dans les domaines du climat, de l'environnement (pollution, écosystèmes...), de l'économie, de la communication et des sciences sociales. Les thèmes abordés au cours de la deuxième année seront élaborés au fil des réunions, selon les demandes. Ils pourront inclure :

  • Le risque lié aux extrêmes climatiques et la modélisation de leur coût pour la société dans un contexte non stationnaire
  • Les réseaux complexes et les modèles d'écosystèmes forestiers
  • La détection du risque sanitaire de la pollution (atmosphérique ou aquatique) dans des données hospitalières.

Séminaires

Séminaire 1 : Comprendre le risque environnemental : de la théorie des probabilités à l'évaluation des impacts

Séance inaugurale organisée le 22 janvier 2009 à Paris, sur le thème "Comprendre le risque environnemental : de la théorie des probabilités à l'évaluation des impacts".
- Le hasard et le sens, deux liquides non miscibles, NICOLAS BOULEAU
Nicolas Bouleau est directeur de recherches à l'École Nationale des Ponts et Chaussées. Il est probabiliste de formation et s'intéresse à la modélisation, à la philosophie des sciences et à l'architecture.
- Plus d'incertitudes que de connaissances : le calcul des probabilités, un mal nécessaire en environnement ? ERIC PARENT
Éric Parent est ingénieur du GREF au sein de l'équipe MOdélisation et Risque en Statistique Environnementale de l'UMR Mathématiques et Informatique Appliquées (AgroParisTech/INRA). Il s'intéresse à la modélisation des systèmes environnementaux.

Séminaire 2 : le chaos

Séminaire organisé le 7 mai 2009, à Paris, sur le thème du chaos.

- Systèmes dynamiques, bifurcations et chaos en dynamique du climat : de Lorenz (1963), Stommel (1961) et Veronis (1963) à nos jours, MICHAEL GHIL
Michael Ghil, professeur à l’École Normale Supérieure de Paris, directeur du département Terre-Atmosphère-Océan (TAO) et du Centre d'Enseignement et de Recherches sur l'Environnement et la Societé (CERES-ERTI).

- Le chaos du point de vue mathématique : de Poincaré (1890), Hadamard (1898), Smale (1968) à nos jours : un exposé pour les non mathématiciens, ETIENNE GHYS
Étienne Ghys, directeur de recherches au CNRS, à l'Unité de Mathématiques Pures et Appliquées de l'École Normale Supérieure de Lyon. Membre de l'Académie des Sciences de Paris et conférencier plénier au Congrès International des mathématiciens (Madrid 2006), Étienne Ghys est un spécialiste de l'étude des systèmes dynamiques.

Séminaire 3 : Statistiques et changement climatique

Journées thématiques organisées les 28 et 29 janvier 2010, à Paris.

Intervenants :

- Panorama des méthodes statistiques en climatologie et en particulier pour étudier le réchauffement climatique, Philippe NAVEAU (LSCE/IPSL)
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Extreme events in a changing climate: Heatwaves and heavy precipitations, Christoph SCHAER (Institut f. Atmosphäre und Klima, ETH Zürich)
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Séries chronologiques non stationnaires non linéaires. Le cas des séries de températures en Europe, Thi Thu HUONG HOANG (Soutenance de thèse, Université Paris Sud 11 - Orsay)
- Estimation and joint testing of temporal and spatial patterns for climate change, Jean-Marc AZAÏS (Université Paul Sabatier, Toulouse) Résumé
- Bayesian hierarchical models for climate model data, Reinhard FURRER (Institute of Mathematics, Université de Zürich)
- Seasonality in a global warming context, Susana BARBOSA (University of Lisbon, IDL) Résumé
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Introduction to statistical downscaling climate: from large to local-scale simulations: A methodological overview, Mathieu Vrac (LSCE/IPSL)
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On a few problems in data assimilation and network design for atmospheric dispersion and air quality, Marc BOCQUET (CEREA, ENPC) Résumé

Contact projet : 

Pascal Yiou (Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement) : pascal.yiou@lsce.ipsl.fr