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EPI-C3

Nom du projet : 
Chimie de l'Atmosphère et Changement Climatique : aspects scientifiques, épistémologiques et politiques. Etude des projets de géo-ingénierie.
Période : 
janvier 2009 - janvier 2012
Nom du coordinateur : 
Régis BRIDAY

Objectifs
La chimie tient une place de plus en plus importante dans les modèles atmosphériques auxquels elle est couplée, y compris dans les modèles globaux et le débat autour des propositions de lutte contre la pollution atmosphérique et le réchauffement climatique, auquel elle prend part, divise. Ce projet visait à rendre compte des dimensions aussi bien techniques et épistémologiques de la production des résultats scientifiques, que des aspects sociologiques (diversité des experts, rôle de l'espace public) et politiques (politique de la recherche, liens à la décision).

Résultats majeurs
La première partie de la thèse met au centre du jeu une « culture matérielle » : les mesures spectroscopiques. L'auteur montre qu'elles ont bouleversé, à la fois la tradition de mesure des composés atmosphériques, dont l'ozone, et ont fait office de « zone d'échange » entre plusieurs pratiques scientifiques, pour générer la première théorie photochimique de l'ozone stratosphérique (par Sydney Chapman, au tournant des années 1930). Puis, est décrit le rôle joué par les spécialistes de la stratosphère des premières décennies de la Guerre froide dans la construction d'un « environnement physique » global - ou, devrait-on dire, au sein d'un « environnement physico-chimique global ».
Dans la seconde partie, par le biais d'une étude de controverses, l'auteur décrit les tensions qui marquent le passage d'un « régime de production des connaissances » à un autre, dans les années 1970. Peu étudiée par les STS, l'entrée de la question de la destruction de la couche d'ozone dans les arènes politiques, médiatiques et réglementaires aux États-Unis engendre de multiples polémiques entre scientifiques, ainsi qu'entre scientifiques de l'atmosphère, qui découvrent, pour la plupart, le métier d'expert, et industriels,  décideurs politiques et citoyens qu'il faut convaincre. Le « tournant environnementaliste » des années 1970 est une notion éminemment polysémique. Dans la présente étude, elle recouvre une palette de réalités, à la fois contrastées, mais aussi qui s'interpénètrent en partie : la critique « altermondialiste » de Richard Scorer ; la quête d'un nouveau programme de recherche à la NASA ; les mises en garde de Bert Bolin à la tribune de l'UNCHE... etc.
Dans la troisième partie, l'historien montre le passage d'un contexte de production d'expertises nationales à un contexte de production d'une expertise internationale sur la destruction anthropique de la couche d'ozone d'une part, et sur le changement climatique, d'autre part. Cette transition se fait sous égide de l'ONU, mais l'impulsion de grandes institutions de recherche états-uniennes est décisive. Le processus d'internationalisation accélérée de l'expertise sur l'ozone et le climat ne répond pas uniquement à la nécessité de multiplier les mesures à travers le monde afin de générer une science plus « robuste ». La production d'un document unique faisant autorité dans la communauté scientifique et la cooptation de scientifiques en provenance d'un nombre maximal de pays doit faciliter la mise en œuvre de politiques de limitation des ODS (substances destructrices d'ozone) et des GES (gaz à effet de serre) à l'échelle internationale (de préférence, de manière coordonnée). Le nouveau type d'expertise sur les pollutions atmosphériques globales qui naît dans les années 1980 se caractérise également par l'utilisation de « modèles intégrés » devant « construire des futurs » possibles afin de guider l'action politique et par l'invention d'indices environnementaux qui doivent servir « d'objets frontières » entre pouvoirs publics et industriels, et entre les différents États.
En outre, la signature du Protocole de Montréal en 1987 et la remise du Prix Nobel de Chimie à Paul Crutzen, Mario Molina et Sherwood Rowland en 1995 consacrent la science de l'ozone et assoient la légitimité de la chimie atmosphérique au sein de la communauté scientifique (alors que les chimistes de l'atmosphère étaient auparavant fréquemment décriés, par des météorologistes en particulier). De plus, les Assessments of Ozone Depletion et les rapports du GIEC ont acquis une autorité peu contestée, que ce soit au sein de la communauté scientifique ou dans les arènes de négociations internationales, dans les médias, dans les collectifs de défense de l'environnement. En 2007, un Prix Nobel de la paix est même attribué au GIEC « en reconnaissance de son action menée pour rassembler et diffuser les connaissances sur les changements climatiques anthropiques et jeter ainsi les bases des politiques à mettre en œuvre pour en contrer les effets ». A la faveur de la reconnaissance publique de l'expertise internationale sur la destruction de la couche d'ozone et sur le changement climatique, les chimistes de l'atmosphère globale qui y collaborent accèdent à un statut supérieur.
« A nouveau, la nature et les répercussions des prises de parole des acteurs évoluent et, avec elles, le corpus et la manière de traiter les discours des acteurs », écrit R. Briday. Il faut désormais comprendre dans quelle rhétorique, dans quel projet politique s'insère la très renommée Susan Solomon, lorsqu'elle signe un article Atmospheric Composition, Irreversible Climate Change, and Mitigation Policy dans un ouvrage collectif publié sous le titre Climate Science for Serving Society. Research, Modeling and Prediction Priorities (Solomon et al., 2013). Il faut expliquer la démarche de Michael McElroy au sein du Harvard China Project, « un programme de recherche interdisciplinaire » et « en collaboration avec des instituts de recherche chinois », portant sur « l'environnement atmosphérique de la Chine, son système énergétique et son économie ». Il faut apprécier les discours de Ralph Cicerone sur la géoingénierie à l'aune de son statut de Président de l'Académie des sciences des États-Unis. Il faut étudier les discours et les profils des contributeurs des ouvrages trans-/inter-disciplinaires sur « la durabilité globale », que coédite, depuis une quinzaine d'années, le climatologue Hans Schellnhuber. Ce corpus offre des perspectives de recherche multiples, notamment au sujet des usages que les scientifiques font des concepts « d'Anthropocène », de « Seconde révolution copernicienne » et de « durabilité globale », de Gaia, etc.

Dimension interdisciplinaire
Ce travail est le fruit d'une collaboration directe entre historiens des sciences du Centre Alexandre Koyré et scientifiques de l'atmosphère franciliens, comme en témoigne la co-direction de la thèse de Régis Briday (Co-dir. : S. Godin-Beekmann du LATMOS et A. Dahan du Centre A. Koyré).

Production scientifique
Une histoire de la chimie atmosphérique globale. Enjeux disciplinaires et d'expertise de la couche d'ozone et du changement climatique.
Thèse soutenue par Régis Briday en 2014.
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01213826

Accéder au diaporama sonorisé du projet EPIC3

 

Laboratoires impliqués

Contact projet : 


Thèse

Régis Briday regisbriday @ yahoo.fr

Direction de la thèse
Amy Dahan (Centre Alexandre Koyré) : Amy.Dahan-Dalmedico @ damesme.cnrs.fr
Sophie Godin-Beeckman (LATMOS) : sophie.godin-beekmann @ latmos.ipsl.fr